En date du 8 mai 2018, une nouvelle épidémie de virus Ebola a été officiellement déclarée dans un district du nord-ouest de la République Démocratique du Congo. Le 28 mai on dénombrait, selon le rapport de l’OMS, 54 cas, dont 25 décès. Un bilan de mortalité légèrement supérieur à celui observé lors de l’épidémie monstre déclarée en début 2014 qui a affecté les trois pays d’Afrique de l’ouest, la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone, avec 28’616 cas, dont 11’310 décès. Va-t-on vers un nouvel épisode catastrophique. En principe non, car l’épidémie de 2014-2016 a permis, entre autres, d’évaluer le vaccin rVSV-ZEBOV qui, même s’il n’est pas encore officiellement autorisé, apparaît afficher une efficacité remarquable. Voyons cela de plus près.
Le vaccin rVSV-ZEBOV est un vaccin dit recombinant, car il résulte d’une combinaison du virus de la stomatite vésiculaire (VSV, affectant principalement le bétail), portant à sa surface la protéine G du virus Ebola, souche Zaïre. Cette protéine G représente la carte d’identité du virus Ebola, identité reconnue par l’hôte vacciné qui monte ainsi rapidement, après vaccination avec le virus rVSV-ZEBOV, une défense contre le virus Ebola. C’est le principe de la vaccination. (voir plus de détails sur la vaccination, et sur rVSV-ZEBOV).
A la fin de la grande épidémie 2014-2016 en Guinée, une étude contrôlée*, incluant le suivi de près de 4000 individus identifiés comme contacts ou comme contacts de contacts avec des patients infectés, a été menée. Ces contacts ou contacts de contacts ont été pour partie vaccinés directement ou vaccinés après un délai de 21 jours. Le taux de maladies à Ebola a été ensuite répertorié dans les deux groupes. Dans le groupe de vaccinés immédiats, aucun cas de maladie n’a été noté dès 10 jours ou plus après vaccination. En revanche, dans le groupe ou la vaccination a été différée de 21 jours, 23 cas de maladie ont été déclarés. Les auteurs concluent à une efficacité du vaccin de 100%, ceci une fois que le vaccin a eu le temps de faire son effet (10 jours).
Cette étude publiée en février 2017 a été corroborée par une action de terrain** menée en mars 2016 après le rapport d’une contamination d’une femme par un homme, survivant d’une infection Ebola d’octobre 2014 (cf. Persistance du virus Ebola). Cette femme, décédée, a infecté un deuxième homme, qui lui a infecté 4 personnes qui tous sont décédés. Ces quatre personnes ont elles-mêmes infecté directement ou indirectement 7 autres personnes, toutes décédées. A ce stade, le système de santé intervient et crée des groupes d’individus en contact direct ou en contact avec des contacts directs de 4 de ces personnes qui vont elles-mêmes décéder. Les groupes, qui acceptent la vaccination, vont être vaccinés et suivis pendant 21 jours et plus. L’étude inclut près de 1500 personnes classées dans 4 groupes différents. Les résultats sont spectaculaires au sens où aucune contamination na’ été notée chez les personnes vaccinées. La stratégie de vaccination utilisée dans les deux cas présentés ici est dite en anneaux. Elle est inspirée de la stratégie de vaccination employée contre le virus de la variole qui a mené à l’éradication du virus.
Au vu des résultats obtenus, on ne peut que se réjouir d’avoir à disposition un outil de prévention qui, s’il peut être mis en œuvre rapidement et qu’il soit largement accepté par les populations, devrait diminuer l’étendue des épidémies qui ne manqueront pas de survenir, puisque le réservoir naturel du virus n’est pas l’humain (sauf cas de persistance chez l’humain) mais une espèce de chauve-souris sauvage.
Regardons maintenant ces résultats d’un œil critique et avec en tête la notion que les épidémies d’Ebola ont été maîtrisées (jusqu’à l’exception du cas** cité ici) par la méthode éprouvée pendant des siècles, à savoir celle d’empêcher physiquement toute contamination, par isolement des malades et surtout pas application d’une protection primaire (gants, masques, scaphandre etc.) chez les personnes au contact avec les malades, leur cadavre ou du matériel contaminé (habits, draps, linceuls, pansements souillés etc.). Dans la première étude *, des questions se sont posées sur l’égalité de traitement des groupes vaccinés immédiatement et ceux vaccinés en différé. Parce qu’il fallait dans le même temps suivre régulièrement les effets secondaires de la vaccination, les premiers auraient pu recevoir plus d’injonctions à un comportement adéquat que les autres. Les auteurs de cette étude ont répondu que toutes les précautions avaient été prises pour éviter un biais dans la prise en charge des deux séries de groupes. Pour l’action de terrain **, il est intéressant de noter qu’un cinquième groupe avait été originellement formé qui lui a refusé la vaccination. Dans ce groupe non vacciné, aucun nouveau cas de contamination n’a été détecté selon les auteurs de la publication. Ce qui en soi, vient ébranler les conclusions tirées de l’observation des 4 groupes vaccinés.
Cette approche critique n’est de loin pas une incitation à mettre en doute la validité du rVSV-ZEBOV. Elle rend attentif au fait que les résultats obtenus doivent être consolidés. En cela, l’épidémie actuelle en République Démocratique du Congo représente un nouveau champ d’investigation qu’il va falloir explorer avec tout le soin apporter aux expériences précédentes de vaccination .
L’épidémie du Virus Ebola déclarée le 8 mai 2018 en République Démocratique du Congo a été reconnue terminée au 24 juillet par l’OMS. Cinquante quatre cas, confirmés ou probables, ont été rapportés menant à 33 décès. L’OMS dans son rapport du 25 juillet mentionne des équipes de vaccination, sans donner de détails à ce sujet. Dès lors, à moins qu’une publication vienne détailler une stratégie de vaccination, il semblerait que cette épidémie n’ait pas servi de base d’étude pour la confirmation de l’efficacité de rVSV-ZEBOV.
*Ana Maria Henao-Restrepo et al. 2017. The Lancet, vol 389, pp. 505-518
**Pierre-Stéphane Gsell et al. 2017. Lancet Infect Dis., vol 17, pp.1276-1284