Les vaccins ARNm anti-Covid-19 sont sûrs et efficaces

Préambule. Les vaccins ARNm BNT162b2 de BioNtech/Pfizer et ARNm-1273 de Moderna/Lonza ont été maintenant autorisés par Swissmedic après la publication dans le New England Journal of Medicine des données sur leur sécurité et leur efficacité. Les auteurs des deux papiers terminent la discussion de façon semblable en relevant que cette nouvelle technologie a permis le coup de force de préparer et mettre à disposition un vaccin en moins d’une année, et qu’il est dès lors permis de penser que, face aux nouvelles pandémies, nous serons désormais mieux armés. En Suisse, la campagne de vaccination a commencé dans certains cantons avec pour l’instant la disponibilité du BNT162b2, et, selon les prévisions, toutes les personnes qui le souhaitent seront vaccinées à l’été.

Les données des publications. C’est peut-être le moment de regarder de plus près les performances de ces merveilles technologiques. Les deux publications ne donnent pas de renseignements techniques sur la composition de ces vaccins, hormis le fait qu’ils contiennent, par dose, 30 microgrammes* (ug) dans 0.3 millilitre** (ml) et 100 ug dans 0.5 ml pour respectivement BNT162b2 et ARNm-1273 et que la vaccination requiert deux doses à 21 ou 28 jours d’intervalle. Leur exacte composition n’est pas présentée. De quoi sont faits ces 30 ou 100ug. De l’ARNm de la protéine S et de sa capsule lipidique ? Certainement. Mais dans quelle proportion, sous quelle composition, cela n’est pas spécifié. Pourtant la différence de stabilité qui veut que le BNT162b2 soit conservé et transporté à -80°C alors que l’ARNm-1273 peut être stocké au congélateur et reste stable au frigo, parle pour des différences. A vrai dire, ce n’est pas vraiment le sujet de ces deux publications qui se concentrent sur deux thèmes, la sécurité et l’efficacité de la vaccination.

Résumé. L’analyse de la sécurité s’attache à la description des effets dits adverses, effets secondaires indésirables. L’efficacité fait référence au pouvoir de protection contre le fait de contracter la Covid-19, la maladie causée par le virus SARS-CoV-2. Pour ce faire des dizaines de milliers (30’000-40’000) de personnes sont enrôlées dans les deux études. Un soin particulier est apporté à une composition équilibrée de ces cohortes. Un équilibre en termes d’âge, de sexe, d’ethnie, de race, de statut sanitaire. Ces cohortes équilibrées peuvent ensuite être décomposées en groupes. Par exemple un groupe d’âge de 16 à 55 ans (18-65) et un groupe des plus de 55 ans (plus de 65 ans). Des groupes selon l’état sanitaire peuvent comprendre des personnes obèses, des personnes avec des pathologies sous-jacentes (cardiaques, respiratoires etc.) Dans les deux études les enfants (moins 16 ou de 18 ans) et les femmes enceintes ne sont pas enrôlés. Ces milliers de personnes peuvent provenir de régions, pays, continents différents. Elles ne doivent pas avoir manifesté les symptômes de la maladie au moment du début de l’étude, même si elles ne sont pas systématiquement contrôlées pour l’absence d’anticorps anti-SARS-CoV-2. La totalité des participants est divisée en deux grands groupes équivalents, qui reçoivent, pour l’un deux doses de vaccins, pour l’autre deux doses de placebo (solution saline). De manière absolument nécessaire, les participants, ainsi que le personnel soignant qui assure le suivi des études, ne savent pas qui reçoit quoi. Les participants sont identifiés selon un code tenu secret jusqu’à la fin de la période d’observation, décidée lorsque le nombre d’infections est jugé suffisant pour tirer des conclusions statistiquement significatives.

Le déroulement de l’étude. Les deux études suivent un processus équivalent, mais pas identique (quelques différences ont déjà été mentionnées ci-dessus). Comme les résultats auxquels elles aboutissent sont semblables, pour de raisons de simplicité, nous nous concentrerons sur l’étude du BNT162b2. Le déroulement de cette étude est schématiquement présenté sur la Figure 1.

Figure 1. La flèche noire graduée au centre donne l’échelle de temps avec indiqué le moment de l’administration des 2 doses. Au-dessus, les flèches rouges symbolisent les périodes de collecte de données concernant la sécurité du vaccin : 7 jours après l’administration des doses, 1 mois et 6 mois après l’administration de la 2ème dose. En dessous, en vert, les points de départ des suivis concernant la capacité du vaccin à prévenir la Covid-19.

Résultats. Entre juillet et novembre 2020, 43’548 participants, âgés de 16 ans et plus, ont été enrôlés venant de 152 sites différent sur la planète (USA 130, Argentine 1, Brésil 2, Afrique du Sud 4, Allemagne 6, Turquie 9). 43’448 ont reçu les deux injections de vaccin (21’720) et de placebo (21’728). Le 9 octobre, un total de 37’706 participants affiche une moyenne d’au moins 2 mois de suivi après la deuxième dose.

Effets adverses au site d’infection. En général, les vaccinés ont rapporté plus d’effets adverses que les récipiendaires du placebo, des effets qui disparaissent en 1-2 jours. 65-70% des vaccinés rapportent une douleur faible à modérée au site d’injection. Les plus jeunes ont tendance à être plus douillets que les anciens. Moins de 1% de tout âge rapportent une douleur sévère. Rougeur et gonflement sont notés dans moins de 10% des cas. La Figure 2, directement adaptée de la publication, illustre, pour l’exemple, ces résultats pour le groupe des plus de 55 ans, l’autre catégorie d’âge étant celle des 16 à 55 ans.

Figure 2. Cette figure montre le pourcentage des participants de plus de 55 ans qui ont rapportés les effets adverses indiqués au site d’injection (intramusculaire) après avoir reçu 1 ou 2 doses. Un effet léger n’interfère pas avec l’activité. Un effet moyen interfère avec l’activité. Un effet sévère empêche l’activité quotidienne. Un effet de niveau 4 implique une visite aux urgences ou une hospitalisation. Comme exemple de lecture, dans la partie supérieure (dose 1) pour les douleurs au site d’infection, 71% ont rapporté une douleur qui, pour 55% des vaccinés, était légère, pour 15% était modérée et pour 1% sévère. Aucune douleur n’a nécessité une visite aux urgences et/ou une hospitalisation.

Effets adverses systémiques (dans tout l’organisme). De nouveau les effets adverses systémiques sont rapportés plus souvent par les vaccinés jeunes (16-55 ans) et plus après la deuxième dose. La fréquence d’un effet secondaire sévère est signalée à moins de 0.9%. Les effets les plus fréquents après la 2ème dose ont été une fatigue et un mal de tête à hauteur de 59% et 52% chez les moins de 55 ans et de 51% et 39% chez les plus de 55 ans. Ces symptômes ont été rapportés également par les récipiendaires du placebo à hauteur de 23% et 24% chez les jeunes et 17% et 14 % chez les vieux (les jeunes sont plus douillets !!). La Figure 3 illustre et complète ces données pour la même catégorie d’âge que dans la Figure 2. Il est prévu de suivre ces participants pendant 2 ans, sachant que, au vu des résultats positifs de la vaccination, il ne sera plus possible de suivre le groupe contrôle placebo. Il n’est en effet pas éthique de maintenir ce groupe à l’écart de la vaccination.

Figure 3. Effets systémiques observés et suivis. Toujours pour la catégorie des plus de 55 ans. Même grille de lecture que pour la figure 2.

Efficacité à protéger de la Covid-19. Pour les 36’523 participants sans signe d’infection préexistante, 8 cas de Covid-19 survenant au moins 7 jours après la deuxième dose ont été observés chez les vaccinés contre 162 cas chez les placebos. La Figure 4 illustre plus globalement la survenue des cas de Covid-19 chez les participants. Les auteurs de l’article concluent sur la base des résultats de leur étude que l’efficacité de protection du vaccin ARNm s’élève globalement à plus de 95%. Ce pourcentage est dérivé en divisant le nombre de personnes infectées vaccinées ou non par le nombre total d’infections diagnostiquées durant la période d’observation. Par exemple, pour les chiffres cités ci-dessus : 8 cas d’infection sur 170 cas diagnostiqués (8+162) donnent un pourcentage de 8/170= 0.047 (4.7%) pour les participants qui ont reçu deux doses de vaccin, contre 162/170= 0.953 (95.3%) pour ceux qui ont reçu le placebo. Une conclusion corroborée par les résultats de l’étude du vaccin Moderna. Le calcul des résultats, tel que présenté ci-dessus est simplifié à l’extrême par l’auteur de ces lignes. Dans les faits une batterie d’outils statistiques a été utilisée pour certifier que les conclusions arrêtées sont fiables. De même, ces résultats ont été détaillés, chaque fois que c’était possible, pour les différents groupes de participants.

Figure 4. Le graphique présente la survenue des cas de Covid-19 au cours du temps. Le décompte commence après la 1ère dose administrée, sachant que tous les participants ont reçu deux doses à 21 jours d’intervalle. L’échelle verticale (l’ordonnée) indique le pourcentage des participants ayant développé la Covid-19 durant le temps d’observation qui se monte à trois mois (119 jours). Les ronds rouges désignent les récipiendaires du vaccin et les carrés bleus les placebo. Les signes pleins rouge ou bleus indiquent les cas graves ayant nécessité une hospitalisation aux soins intensifs. L’insert est un agrandissement de la période entre la première et la deuxième dose.

Commentaires. De manière intéressante les deux courbes se séparent au jour 12 après la première dose. Si les symptômes apparaissent bien en moyenne 5 jours après contamination, cela pourrait indiquer que la première dose de vaccin ferait son effet déjà 7 jours après l’injection. Au vu de cette figure, la nécessité de la deuxième dose n’est pas démontrée, pour la durée de la période d’observation présentée (119 jours). De plus, l’hypothèse que la dose supplémentaire vienne consolider et allonger la période de protection ne pourra pas être vérifiée dans cette étude, car le contrôle des résultats après une seule dose ne sont pas disponibles.

En conclusion, il apparaît justifié de proposer ces vaccins à la population en général. Comme la disponibilité des doses de vaccins et le processus de vaccination va prendre plusieurs mois, il a été judicieusement décidé de vacciner les personnes les plus exposées à des conséquences graves de l’infection. En effet, la protection de ces personnes annulera le risque de débordement des systèmes de santé, objectif qui a été, et qui reste, le plus important dans la maîtrise de la pandémie. En attendant l’immunité de groupe (>60-70% immunisés) qui devrait freiner grandement la propagation du virus (mais probablement pas l’annuler) nous devrions continuer au minimum d’appliquer les mesures élémentaires de sécurité.

En réponse à l’objection que l’on voit souvent émise sur les réseaux sociaux concernant la prétendue non fiabilité de ces vaccins, basée sur un développement trop rapide de cette nouvelle technologie, il faut mentionner que la recherche la concernant ne date pas d’hier. Une recherche dans la National Library of Medicine  (@PubMed.gov) montre que la publication d’articles la concernant commence à décoller à la fin des années 1980, et que, dans la période 1991-2020, quelque 5’787 articles y ont été référencés (Figure 5).

Figure 5. Capture d’écran de la page de PubMed concernant la recherche de publications sur les « mRNA vaccines ».

*1 microgramme = 1 millionième de gramme. **1 millilitre = 1 millième de litre (il y a 100ml dans un déci de blanc).

Références des articles dans le New England Journal of Medicine:Moderna :DOI: 10.1056/NEJMoa2035389; BioNtech :DOI: 10.1056/NEJMoa2034577

màj le 13.01.2021