Des épidémies de rougeole dans les îles Fiji, Tonga et Samoa se sont déclarées cet automne. L’île de Samoa est la plus touchée avec à ce jour (18.12.2019) 5’371 cas déclarés (Gouvernement de Samoa), dont 76 décès, principalement des enfants de moins de 5 ans. Ce taux de mortalité (1/70 cas de rougeole, soit une mortalité de 1.4%) paraît spectaculaire en regard du taux habituellement associé à un décès suite à une encéphalite rougeoleuse aigüe dans nos contrées (1/3000, 0,033%, cf. La rougeole, faits et méfaits). Ce dernier chiffre, qui n’est déjà pas anodin, est pourtant plus de 40 fois inférieur à celui qui sévit dans les iles Samoa, en ce moment. Tentatives d’explications.
Dans nos pays, dits développés, où la nutrition des nouveau-nés est correcte et où les soins médicaux prennent en charge de manière efficace les complications aigües d’une rougeole (otite, diarrhées, pneumonies, infections oculaires etc.), la mortalité est de fait essentiellement liée à l’encéphalite aigüe, d’où le taux de 1/3000 est déduit. Lorsque les conditions sanitaires et nutritionnelles ne sont pas optimales, les pathologies liées à une rougeole aigüe augmentent les cas de mortalité (pneumonie, déshydratation etc.). De plus, il est connu que la rougeole, même quand elle se résout sans séquelles visibles, provoque chaque fois une immunodéficience qui peut durer des semaines, voire des mois. On pense actuellement savoir comment cette immunodéficience s’installe. Deux études récentes démontrent en effet que la rougeole résulte en une disparition des cellules mémoires générées précédemment suite aux infections par d’autres pathogènes. Les enfants se retrouvent ainsi sans défense face à des pathogènes contre lesquels ils avaient précédemment monté une immunité, aidés en cela par les anticorps reçus de la mère pendant la grossesse, anticorps qui disparaissent progressivement quelques mois après la naissance. Enfin, il est connu que plus une épidémie de rougeole «flambe», dans un environnement où le nombre de susceptibles est important, plus la rougeole a tendance à afficher un taux de mortalité élevé. On n’a pas d’explication de ce phénomène. Peut-être s’agit-il d’une dose d’infection plus élevée, favorisée par une circulation du virus d’autant plus efficace que le nombre de susceptibles est élevé. Enfin, mais cela reste de la spéculation pure, ils se pourrait que dans le cas où la circulation du virus est grandement facilitée par le nombre de susceptibles, une quasi-espèce virale soit sélectionnée qui affiche une virulence plus grande (cf. La quasi-espèce). Huit différents génotypes de virus de la rougeole sont décrits de nos jours, mais pour l’instant aucune étude n’a été faite qui viendrait confirmer ou infirmer une différence de virulence associée à ces génotypes. Ces huit génotypes ne provoquent pas de changement d’antigénicité , la carte d’identité du virus reste la même et correspond à celle des souches utilisées dans les vaccins.
Quoiqu’il en soit, le taux de mortalité associé à la rougeole de 1/60-70 cas n’est pas le fait unique des iles Samoa. L’OMS, qui a mis au point récemment une nouvelle méthode ( ?) pour comptabiliser les cas de rougeole et leur mortalité au niveau mondial, arrive avec des chiffres de 2010 et 2018, au même résultat.
En conclusion, il faut répéter que la rougeole n’est pas une maladie d’enfant anodine. Elle fait d’autant moins peur qu’elle est en phase de disparition chez nous grâce à la vaccination. Il faut pourtant un taux de vaccination, avec deux doses, de plus de 95% de la population pour que la circulation du virus soit arrêtée. Cette situation est atteinte lorsque l’incidence de la maladie est inférieure à 1 cas par année pour un million d’habitants. Il faut atteindre cette limite durant trois années d’affilée pour décréter que la circulation du virus est nulle. Dans une telle situation, la vaccination des nouveau-nés doit pourtant continuer pour faire face à une importation de virus venant d’une région où il circule encore. Ce ne sera que lorsque le virus aura été éradiqué de la planète entière que les vaccinations vont pouvoir cesser. Rappelons que, jusqu’à ce jour, seul le virus de la variole a été éradiqué dans les années 1970, abolissant du même coup une vaccination aux effets secondaires très délétères.