Lors de la multiplication virale, l’infection d’une cellule par un virus mène à la production de milliers voir de dizaine de milliers de nouvelles particules virales (cf. Un virus, ça se multiplie comment). Cela implique que le génome viral doit lui-aussi avoir été reproduit (on dit répliqué) des dizaines de milliers de fois…..Comme dans l’infection d’un organisme des dizaines de millions de cellules finissent par être infectées, ce sont finalement des dizaines de milliers de dizaines de millions de génomes qui ont été répliqués et qui ont été incorporés dans autant de particules virales. Ainsi, dans le temps d’une infection (quelques jours..), des milliers de milliards de particules virales font partie du lot produit dans l’organisme et potentiellement transmissibles. Si on admet que la fidélité de réplication de ces génomes n’est pas absolue, c’est à dire que la machine de réplication commet des erreurs et qu’elle introduit au hasard une erreur pour chaque million de génomes répliqués, on aura dans le lot de mille milliards de génomes, au moins un million qui auront subi un changement, auront acquis une mutation. La population des génomes viraux n’est donc pas homogène. Pour définir cette hétérogénéité génétique de la population de virus produits, on parle de quasi-espèce.
Les chiffres ci-dessus sont fantaisistes pour introduire la notion de quasi-espèce. Il sont fantaisistes, mais bien en dessous de la réalité, car pour certains types de virus, ceux dont le génome est composé d’ARN (cf. page Le Génome), des mesures ont été faites et l’introduction de mutations a été mesurée. Dans le cas de ces virus, dits à ARN, la réplication du génome est effectuée par une fonction (enzyme) virale. En effet, pour produire de l’ARN en copiant de l’ARN, il faut une fonction que le virus possède en propre. Cette fonction (une ARN polymérase ARN dépendante) affiche une fidélité réduite. Il s’avère qu’une erreur est introduite pour 10’000 bases copiées. Comme en moyenne les génomes des virus à ARN sont longs de 10’000 bases, cela signifie que chaque fois qu’un génome viral est produit, il y a la probabilité que ce génome diffère du génome copié par une base. Lorsque ce génome muté une fois est à son tour copié, cette copie risque d’avoir subi deux changements par rapport au génome original, et ainsi de suite. Au final, dans une population de dizaines de milliards de génomes, la probabilité existe qu’il n’y a pas deux génomes identiques produits. Une hétérogénéité génétique quasi totale. Fort heureusement pour les virus, des contraintes viennent limiter l’étendue de cette hétérogénéité qui en fait annulerait toute identité (cf. Les propriétés de la Quasi-espèce) ou toute possibilité d’existence.