Selon Wikipédia, la Suède et la Suisse sont deux pays européens au niveau de vie équivalent, avec une population de 10.3 et 8.6 millions d’habitants, respectivement. Les deux pays affichent une pyramide des âges similaire, avec notamment un pourcentage équivalent de personnes de plus de 65 ans (20 % et 18.3 %). Alors que la densité de population est mathématiquement dissemblable, 25 habitants/km2 pour la Suède contre 208 /km2 pour la Suisse, dans les faits, comme près des 90% des Suédois vivent dans des centres urbains de densité variant de 50 à 300 /km2, la différence se réduit fortement. Les deux pays se trouvent bien sûr à des latitudes différentes, ce qui devrait raccourcir la période de vie de plein air des Suédois, quoiqu’ on ait tous une fois été frappé par la capacité de la population nordique à jouir du moindre rayon de soleil. Dernière remarque qui peut avoir son importance, la Suède est en périphérie nord de l’Europe, alors que la Suisse est en plein milieu, ce qui met les deux pays dans des positions différentes en regard des interactions avec les pays voisins, et des flux de population susceptibles de servir de vecteurs au virus.
Ce préambule terminé, il y a eu, face à la pandémie du SARS-CoV-2, une attitude différente entre les deux pays. Pour faire simple la Suède, si elle a reconnu la réalité de la COVID-19, a choisi de ne pas prendre des mesures de confinement semblables à celles qu’a appliquées la Suisse. Les Suédois ont été invités à la prudence en adoptant des mesures de protection de base, telles que la distanciation, les gestes d’hygiène, une attitude de prudence face aux populations les plus fragiles etc. Mais les écoles n’ont pas été fermées, les restaurants, les commerces, les lieux de rencontre sociale, culturelle et sportive, n’ont été entravés d’aucune interdiction. Si le travail en ligne a été conseillé et pratiqué, aucune directive n’a été émise pour mettre à l’arrêt les lieux de travail.
Cette différence d’attitude des deux pays face à la pandémie a eu de conséquences sur son déroulement et cet article se propose de comparer et commenter les chiffres publiés sur le site https://www.worldometers.info/coronavirus/. Les données récoltées jour après jour montrent parfois des trous, qui peuvent avoir deux explications. Soit les chiffres rapportés n’ont pas changé d’un jour à l’autre, ou pendant plusieurs jours, vraisemblablement parce que leur mise à jour a fait défaut, soit l’auteur de ces lignes n’a pas fait correctement son boulot. Encore une remarque, l’intérêt de l’auteur pour la Suède est arrivé après celui porté à la Suisse. Les données suédoises commencent ainsi le 5 avril contre le 13 mars pour les suisses. Avant d’aller plus loin, il est important de garder en tête que l’épopée n’est pas terminée et que cette analyse représente une étape dans le déroulement de la pandémie. Les conclusions qui pourraient être tirées à ce moment ne sont que temporaires et peuvent, vont certainement changer avec le cours du temps.
Les Fig.1 et 2 comparent le cumul des cas déclarés dans les deux pays. Les graphiques affichant les mêmes unités en ordonnée (axe vertical, Total cas déclarés), deux faits sont immédiatement évidents. A ce jour, le nombre de cas déclarés est 1.5 fois plus élevé en Suède.En corrigeant pour la différence de population on arrive à 994 cas pour 100’000 habitants en Suède contre 829 en Suisse.
La deuxième remarque concerne la manière dont ces cas se sont accumulés. D’abord, l’augmentation initiale des cas suédois, plus tardive, a été plus régulière et plus prolongée que celle des cas suisses. Alors qu’à la fin avril, la propagation du virus marquait le pas en Suisse, il a fallu attendre la fin juin pour voir une inflexion dans l’accumulation des cas suédois. Inflexion qui n’a jamais pris l’allure quasi plate telle que vue en Suisse en mai, juin, juillet. En Suède, entre mi-juillet et début octobre les cas ont continué à augmenter, avec certes moins de vigueur. Le brusque décrochement du 28 août reste inexpliqué, d’un jour à l’autre on perd 3174 cas déclarés. Les jours suivants, c’est de ce nombre amputé que l’on repart. Dès le début octobre, le nombre de cas déclarés inflige une nouvelle inflexion, vers le haut cette fois, signe d’une péjoration de la situation. En Suisse, une même inflexion vers le haut se remarque déjà début août. Cela repart tranquillement à la hausse, signe précurseur d’une nouvelle vague qui ne fait que s’accélérer avec, ces derniers jours, des nouveaux cas déclarés qui prennent dangereusement l’ascenseur surtout en Suisse, (cf, ci dessous Fig. 4). En résumé, si la Suède n’a jamais connu de répit, elle ne semble pas épargnée par la recrudescence de nouveaux cas qui frappe d’ailleurs toute l’Europe, y compris la Suisse.
En accord avec l’accumulation des cas, le profil des cas déclarés quotidiennement souligne le différent profil d’avancée de la pandémie entre Suède et Suisse. Alors qu’en Suisse (Fig. 4), après la première vague les cas déclarés quotidiennement passent par un minimum (du 15 mai à la mi-juillet) correspondant au plateau des cas cumulés, et résultat d’un confinement qui porte ses fruits, en Suède (Fig. 3), la propagation virale qui s’est établie avec moins de barrière flambe et passe en juin par un maximum.
Le mieux qui s’en suit entre la mi-juillet et la mi-septembre pourrait s’expliquer par les vacances scolaires et/ou par une vie de plein air dans des lieux plus isolés aux bords des milliers de lac où les Suédois ont leur « Isba ». Pour les deux pays, la mi-septembre marque l’augmentation des cas journaliers qui préfigure le rebond de la propagation virale, la deuxième vague, moins marquée pour la Suède, mais c’est qu’elle n’a pas vraiment atteint un creux entre juin et septembre. Cette deuxième vague s’emballe en Suisse où les augmentations de ces derniers jours doivent interpeler. Il sera intéressant de constater si la progression suédoise suit le même court, avec peut-être un peu de retard.
La différence la plus spectaculaire entre les deux pays est celle concernant les décès cumulés. Les Fig. 5 et 6 qui sont à la même échelle parlent pour elles-mêmes.
Environ 3 fois plus de morts en Suède, ce qui, rapporté au nombre d’habitants, ramène à 58 morts/100’000 habitants en Suède contre 25 en Suisse. Encore une fois, le profil des décès quotidiens démontre l’effet bénéfique du confinement.
La mortalité s’atténue en Suisse avec la maîtrise de la première vague (Fig. 8), alors qu’elle continue bien plus longtemps et à un degré plus élevé en Suède (Fig. 7). Dans les deux pays, la mortalité qui a diminué de manière spectaculaire ne semble pas, pour l’instant, repartir à la hausse quand bien même depuis le début octobre le nombre de cas déclarés atteint des niveaux jamais vus durant la première vague (pour la Suisse, Fig. 4). L’augmentation des tests y est peut-être pour quelque chose, mais le taux de positivité des tests de dépistage qui est passé de 1-2% à près de 10% actuellement ne laisse planer aucun doute sur le rebond que nous subissons.
Voilà où nous en sommes. Jusqu’à maintenant, et en se basant uniquement sur les chiffres, les mesures de confinement prises en Suisse ont apporté un bénéfice modeste quant au nombre de cas cumulés (1.2 fois moins) en comparaison de la Suède qui a adopté une attitude plus lâche. Ce bénéfice est plus visible lorsque l’on dénombre les décès, puisqu’il y en a eu, à ce jour, 2.3 fois moins en Suisse. Dans les deux pays, la propagation virale augmente, dans quelle proportion relative, la question est ouverte. Nous sommes mieux préparés, ce qui laisse espérer que le scénario de la première vague ne devrait pas être appliqué sans tenir compte de ce que nous avons appris. Pris de court lors de la première vague, nous devions à tout prix éviter la saturation des systèmes de santé, et le confinement avait son sens. A l’heure actuelle, le but premier serait de pouvoir suivre le cheminement du virus et couper les chaînes de transmission. Plus le nombre de cas est élevé moins cette stratégie pourra être appliquée. La responsabilité individuelle pour observer les consignes de sécurité n’en prend que plus d’importance. Il faut souhaiter également que l’inscription à l’App SwissCovid soit téléchargée bien plus largement. Quant à compter sur l’immunité de la population pour enrayer la propagation virale, cela reste un vœu pie. Dans les deux pays, même en faisant l’hypothèse que le nombre de cas déclarés ne représente que le 10% des cas réels, une information qui ne peut être obtenue qu’en connaissant le pourcentage d’individus qui affichent des anticorps anti SARS-CoV-2 (séroprévalence), on en serait à une immunité de de population de 10 % dans les deux pays. Le virus a encore tout le loisir de trouver sur sa route des personnes non immunes, et il ne s’en prive pas. Affaire à suivre, et surtout précautions à prendre.
NB. Cette dernière semaine les chiffres ont pris un ascenseur ultra rapide en Suisse. Les cas déclarés cumulés sont à 1205 / 100’000 habitants contre 1073 en Suède. Un nombre à l’avantage de la Suède maintenant. Quant au décès suisses, avec 24.2 /100’000 habitants, ils sont toujours pus favorables que ceux de la Suède 57.6.
NBB. A ce jour, 24.11.2020, les cas déclarés cumulés en Suisse sont de 3492 /100’000, pour 2022 / 100’000 en Suède. Pour les décès 49 / 100’000 en Suisse pour 62 en Suède. Nous avons donc dépassé la Suède en nombre de cas déclarés, mais sommes toujours gagnants au nombre de décès. Teste-t-on plus en Suisse ????
Màj 24.11.2020