La Covid-19 a frappé en début d’année 2020 et a depuis passablement bouleversé notre mode de vie. Cette maladie a été associée, entre autres, à une crise sanitaire planétaire plus ou moins maîtrisée selon les pays, mais conduisant partout à la mort d’une fraction de la population infectée par le SARS-CoV-2. La propagation du virus n’est pas terminée, tant s’en faut. Au moment où une deuxième vague d’infections tend à se propager dans les pays occidentaux, il semble intéressant de déjà faire un point intermédiaire en comparant la mortalité suisse en 2020 avec celle des années précédentes. Les chiffres sont tirés de l’Office Fédéral de la Statistique. https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population/naissances-deces/deces.assetdetail.16584724.html
Ils ne concernent que la Suisse et que les 39 premières semaines de chaque année.
Le tableau ci-dessous montre de façon inattendue que la mortalité 2020 durant les semaines 1 à 39 n’est pas globalement excédentaire à celle des années précédentes. Elle est même inférieure à celles de 2019, 2018 et 2015 de, respectivement 545, 2665 et 1448 cas. Elle excède en revanche de quelque 271 et 2500 cas celles de2017 et 2016.
En comparant les classes d’âge, durant ces années, on retrouve les conclusions émises à plusieurs reprises, à savoir que le taux de mortalité des plus jeunes (1-40 ans) en 2020 ne varie pas de ceux des années précédentes, vu que cette classe d’âge, si elle peut représenter pour les 20 à 40 ans une cible pour le virus, génère peu de décès suite à la COVID-19 (graphiques non-montrés).
Même la catégorie des 40-64 ans (Fig. 1) ne présente pas un profil particulier en 2020, la courbe bleu-foncé se perdant dans l’enchevêtrement des autres courbes annuelles. De manière intéressante, en 2015 (courbe orange) et 2018 (courbe vert-fluo) deux pics ressortent, culminant en semaines 7 et 9, respectivement, qui pourraient marquer la mortalité associée aux épidémies de grippe saisonnière. Si c’est le cas, ces effets ne sont pas perceptibles pour la catégorie des 65-79 ans (Fig. 2).
Ici la mortalité générale, 2 fois plus élevée dans cette classe d’âge que dans celle des 40-64 ans (voir les chiffres en ordonnée, axe vertical), paraît absorber les variations potentiellement dues à la grippe. En revanche on voit sortir un pic de mortalité en 2020 (courbe bleu foncé), culminant en semaine 14 (fin mars-début avril), qui pourrait bien signifier l’excès de décès dû à la Covid-19, puisque c’est le moment où la propagation de SARS-CoV-2 flambe en Suisse. Cet excès de mortalité se voit également dans la catégorie des 80 ans et plus (Fig. 3).
Dans cette figure, un pic en bleu foncé, en semaines 14-15, se démarque très nettement. Pour cette tranche d’âge, un pic est visible chaque année entre janvier et début mars (semaines 1-11). Alors que ceux de 2015 et 2017 (courbe orange et mauve) sont presque aussi impressionnants que celui de 2020, ceux de 2019 et 2018 sont plus discrets. Leur position dans le temps varie et correspond grosso modo au moment du pic des épidémies de grippe. C’est particulièrement vrai pour 2017 (courbe mauve), année où la grippe a flambé dès décembre 2016, ce qui est inhabituel.
En première conclusion, la COVID-19 n’a pas provoqué en Suisse un excès général de mortalité. L’excès de mortalité bien visible chez les ainés a donc été compensé par une réduction de mortalité chez les 0-64 ans. En épluchant plus précisément les causes de décès, on serait en mesure d’identifier, si ces données existent, les facteurs qui ont concouru à cette compensation. Le mode de vie confiné a clairement atténué certains facteurs de mortalité et il serait intéressant de savoir s’il est possible de conserver cette atténuation lorsque l’on aura retrouvé un mode de vie « normale ». En deuxième conclusion, et en ce qui concerne les 80 ans et plus, il est intéressant de constater que le taux de mortalité de mars-avril 2020 a déjà été atteint, à peu de cas près, en 2015 et 2017, lors vraisemblablement des épidémies de grippe saisonnière. Ces épisodes sont passés inaperçus dans la conscience du grand public. Epidémie n’est pas pandémie. Les récurrences annuelles de grippe génèrent une immunité de population, des vaccins sont disponibles et il existe même un/des médicaments antiviraux actifs. On a surtout intégré ces épisodes épidémiques comme faisant partie de ce qu’il faut s’attendre à vivre. Il faut toutefois garder le souvenir de la panique générée par le virus pandémique de la grippe H1N1 de 2009. En troisième conclusion, et ici, il ne s’agit plus de chiffre, il va bien falloir décortiquer l’hyper médiatisation journalistique et scientifique qui a accompagné, voire précédé, le SARS-CoV-2 dans sa course autour du monde pour estimer dans quelle mesure elle a pu contribuer à l’état de guerre sanitaire mondiale que nous vivons. Tout n’est pas terminé, c’est le moment de faire montre de solidarité citoyenne, on arrivera bien à dompter ce SARS-CoV-2 sauvage. La Suisse connait un nombre de nouveaux cas journaliers déclarés jamais atteint pendant la première vague.
NB. Les données présentées dans cet article concernent la Suisse et ne permettent pas forcément de tirer des conclusions applicables à d’autres pays.