On pourrait penser que si les virus existent, c’est qu’ils ont eu (ont toujours) un rôle naturel à jouer, autrement ils se seraient perdus dans les méandres de l’évolution…..Pourtant les forces qui régissent l’évolution se préoccupent peu de la nécessité d’être utile. Une fois générés, les entités biologiques ont comme première contrainte la nécessité de continuer à exister. Ce qui n’exclut pas qu’à un moment il y ait des relations d’utilité qui ont modelé les résultats de l’évolution. S’il n’y avait pas eu d’herbe, on n’aurait vraisemblablement pas de vaches. Donc l’herbe a permis aux herbivores d’évoluer jusqu’à nous donner accès au beefsteak saignant et au fromage. Mais nous devons admettre que le monde aurait pu tourner (nettement moins bien certes) sans le beefsteak et la raclette.
Donc nous pouvons partir du principe que les virus n’ont pas de mission autre que celle de veiller à leur perpétuation. Et comme ce sont des organismes qui se multiplient exclusivement à l’intérieur des cellules (cf. Un virus, ça se multiplie comment?), leur survie dépend totalement du support des cellules qu’ils infectent. On comprend que cette dépendance ait façonné une capacité d’adaptation la plus large possible. Quand on ne maîtrise pas l’environnement dans lequel on vit, il vaut mieux pouvoir se plier aux exigences du milieu. En termes biologiques, l’adaptation découle d’un changement de « plan d’existence », donc d’un changement d’information génétique, ce qui fait référence à une « mutation ». Les virus sont passés maîtres dans leur capacité à accepter des mutations, voire à les provoquer. En effet, les fonctions virales qui sont en charge de la reproduction des génomes viraux lors de multiplication (on parle de réplication) ont été sélectionnées pour introduire des mutations à une certaine fréquence . La capacité d’adaptation qui résulte de l’introduction de ces mutations (cf. La Quasi-espèce….) peut s’observer en temps réel qui correspond à la durée de leur cycle de multiplication (quelques heures). Elle se manifeste de façon permanente, facilement observable, de manière naturelle ou alors provoquée expérimentalement en laboratoire.
Un exemple à la portée de tous concerne les virus de la grippe. Ces virus déclenchent des épidémies année après année en période hivernale. Suivons de près un de ces virus dans une population donnée et admettons que cette population n’a jamais été infectée auparavant par ce virus. La première année, le virus va infecter les personnes auxquelles il va être transmis grâce aux bus bondés, aux bises généreusement distribuées dans des rassemblements divers (enterrements, mariages, réunions de famille à Noël…). Ces personnes vont heureusement pour la plus grande majorité survivre et développer une immunité contre ce virus qui va durer plusieurs mois (voire des années). L’hiver suivant, lorsque l’épidémie de grippe revient, une partie de la population, celle infectée l’année précédente, va monter rapidement une défense immune qui va prévenir l’infection par ce virus et limiter ainsi sa propagation dans la population. Cette barrière à la transmission va limiter grandement la multiplication du virus et menacer son existence. De fait, si le nombre de personnes protégées de l’infection est suffisamment élevé, le virus disparaît de cette population. Pourtant dans des conditions où le nombre de personnes protégées n’est pas suffisant, ce qui est observé, c’est la circulation d’un virus qui est suffisamment différent de celui de l’année précédente pour échapper à la réponse de défense montée contre le virus de l’année précédente: un virus muté a émergé. L’émergence de ce mutant découle de la capacité d’adaptation contenue dans la population virale en circulation selon un mécanisme qui sera détaillé dans un autre article (cf. La Quasi-espèce….).