Un virus de la grippe aviaire fait la une de l’actualité en France depuis début décembre. Le virus classé H5N8 (cf. …des chiffres et des lettres) est très contagieux et hautement pathogène pour les élevages de volailles. Pour tenter d’enrayer sa propagation, des dizaines de d’animaux vont devoir être sacrifiés, plombant le commerce des volailles et de leurs produits dérivés. Pour l’instant, aucune contamination humaine n’a été rapportée. S’agit-il donc uniquement d’un problème de santé vétérinaire et de manque à gagner ?
Petit rappel de nos relations avec les virus de la grippe aviaire. Depuis qu’ils sont caractérisés, ces virus, très largement répandus dans le monde aviaire, sont la source des virus de la grippe humaine. De fait, certains virus aviaires peuvent infecter l’homme, mais ne se propagent pas d’homme à homme, car ce changement d’espèce nécessite une phase d’adaptation qui comprend l’acquisition de changements génétiques (mutations). Ces mutations peuvent s’accumuler progressivement lorsque le virus aviaire se multiplie chez l’homme sans s’y propager de manière efficace (on estime qu’une poignée de mutations peut suffire). Alternativement, le virus aviaire, lors d’une de ses incursions chez l’homme, peut rencontrer un virus humain, échanger une partie de son génome avec ce dernier, et acquérir ainsi d’un coup la capacité à changer d’espèce. On accepte généralement que le virus aviaire H1N1 a circulé à bas bruit dans la population humaine avant de provoquer la pandémie de 1918. En revanche, en 1957 et 1962, ce sont des événements de recombinaison génétique du virus circulant chez l’homme avec un virus aviaire qui sont responsables de l’émergence respectivement des virus H2N2 et H3N2. Le virus H1N1 de 2009 a une histoire plus compliquée, alliant une évolution chez le porc du virus humain de 1918 à des événements multiples de recombinaison avec des virus aviaires et humains. Le porc pouvant facilement être infecté par des virus aviaires et humains peut jouer le rôle d’intermédiaire pour la recombinaison entre les deux virus, voire pour la phase lente d’adaptation à l’homme.
Avant d’en arriver à la réponse à la question posée, suivons l’historique de H5N1, un virus aviaire qui a émergé sur les marchés de Hong Kong en 1997. Comme H5N8 à l’heure actuelle, H5N1 s’est révélé extrêmement pathogène pour les poulets, ce qui a nécessité l’abattage de centaines de milliers de volailles pour enrayer l’épidémie. Ceci d’autant que très rapidement des infections humaines mortelles ont été rapportées. Depuis cette phase initiale, le virus s’est répandu dans toute l’Asie, le Moyen Orient et l’Afrique du nord causant des épidémies dans les élevages de volailles, et de nombreuses infections humaines affichant un taux de mortalité de l’ordre de 60-80%. Pourtant à ce jour, aucun cas de transmission interhumaine n’a été répertorié. Le virus a été retrouvé chez le porc en Indonésie, où il circule sans provoquer de symptômes. Voilà une situation préoccupante car H5N1 affiche des propriétés qui rendent son adaptation à l’homme possible. On n’ose pas imaginer une telle adaptation avec la conservation du même taux de mortalité.
A l’évocation du cas de H5N1, on comprend que l’émergence de H5N8 suscite des préoccupations qui dépassent les questions de santé vétérinaire. Ceci d’autant que la grippe aviaire flambe à un moment où les épidémies de grippe humaine battent leur plein, augmentant la probabilité de rencontre entre les virus humains H3N2 et H1N1 et H5N8. La protection de tous les acteurs intervenant contre H5N8 doit ainsi passer par la protection contre l’infection par les virus humains épidémiques. Contre ces derniers la vaccination et des médicaments de prévention sont à disposition.