Le terme d’hépatite fait référence à une réaction inflammatoire du foie. Cette inflammation peut avoir diverses causes allant des substances toxiques (alcool, produits chimiques naturels ou de synthèse …) à des infections par des bactéries, des virus ou des parasites. En regard des agents infectieux, le foie représente un organe de prédilection parce que les moyens de défense y sont tempérés par sa fonction même. Le foie étant un organe de détoxification, son potentiel d’inflammation, donc de défense, est naturellement réduit, permettant à toute une panoplie de virus différents d’y proliférer. La liste des virus hépatiques se décline en un alphabet à presque une dizaine de lettres A, B, C, D, E, F, G…, sans parler de virus connus pour infecter principalement d’autres organes mais qui peuvent également trouver dans le foie des conditions de multiplication efficace.
Les virus A, B et C représentent les pathogènes le plus importants. Contrairement aux virus de la grippe qui se déclinent également en différents types, mais restent néanmoins des virus de la même famille, les virus hépatiques A, B et C appartiennent à des familles totalement distinctes. Leurs propriétés biologiques et leur pathogenèse (mode et conséquence de l’infection), hormis celle, partagée, d’infecter les hépatocytes (cellules du foie), sont donc totalement différentes. Pour en finir avec les généralités, il faut dire que selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), près de 2 milliards d’individus ont été infectés par le virus de l’hépatite B (HBV), avec actuellement plus de 300 millions qui le sont de manière chronique. Pour le virus de l’hépatite C (HCV), on estime à près de 185 millions le nombre de porteurs du virus. Ces chiffres mis en regard des 30-35 millions d’individus infectés par le virus du SIDA, démontrent que l’on a à faire avec des pathogènes d’importance.
Commençons par HBV. Ce petit virus dont le génome est composé d’ADN double brin (cf. Le génome) est l’un des plus infectieux que l’on connaisse. Il est classé dans la famille des Hepadnavirus. Il se transmet par le sang et les liquides corporels (salive, lait maternel, sperme, sécrétions diverses). Si les transfusions sanguines ont contribué par le passé à sa diffusion dans nos sociétés, depuis la mise au point de tests de détection dans les centres de transfusion (1960-1970), ce sont les injections de drogues, les premières relations sexuelles des jeunes adultes, les pratiques de tatouage et de piercing et les contaminations accidentelles dans le cadre de la pratique médicale qui constituent actuellement des facteurs de risques. Pourtant, le mode de transmission « naturel » de ce virus, celui qui a contribué et qui contribue encore à sa prévalence dans le monde (particulièrement en Asie) est vraisemblablement la transmission mère-nouveau-né. En effet, lorsque la mère est infectée, la transmission périnatale peut avoir lieu dans 90% des cas, ceci en l’absence de pratiques de précaution. L’infection du nouveau-né conduit alors, en l’absence de traitement, à l’établissement d’une infection chronique encore une fois dans 90% des cas. De manière remarquable, ce taux de chronicité diminue à près de 10% lorsque l’infection a lieu à l’âge adulte. Ces infections chroniques ont une probabilité de mener à une cirrhose ou à un cancer du foie dans 20-40% des cas. Le taux de chronicité est en relation avec la capacité de l’organisme à monter une réponse de défense immune. HBV est naturellement furtif, difficile à détecter par l’organisme et le système immun des nouveau-nés n’est pas encore pleinement actif. Par ailleurs, le virus a évolué des moyens d’être toléré, comme s’il faisait partie du soi, ou d’échapper à la production d’anticorps, en produisant des milliards de particules non infectieuses qui vont servir de leurre.
A l’heure actuelle on dispose de deux types de médicaments pour contrôler les hépatites chroniques. Ces deux types de médicaments ont leurs avantages et désavantages. Efficaces jusqu’à un certain point, ils peuvent être mal supportés ou alors sélectionner des virus résistant au traitement, sans pour autant parvenir à éliminer l’infection. Le moyen de lutte par excellence est la prévention par la vaccination (cf. La vaccination). Un vaccin existe qui, après deux injections, protège jusqu’à 95 %. Ce vaccin est une des premières réalisations du génie génétique. Il a fallu découper le gène viral produisant la protéine « carte d’identité » du virus, l’introduire dans le génome de la levure et générer de cette manière des levures produisant la protéine virale. Ce vaccin est efficace et sûr. Utilisé maintenant depuis bientôt 40 ans, il n’a suscité aucun effet secondaire indésirable avéré. La vaccination représente donc la pierre de voute de la lutte anti-HBV en Suisse, assortie de stratégies de surveillance détaillées dans des documents de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP-hepatite-B-C-2016 ). Une estimation récente (OFSP-hepatite-B-C-2017), faite sur des échantillons sanguins de personnes en bonne santé, conclut qu’il y a environ 7000 personnes infectées par HBV en Suisse.
Le virus HCV est classé lui dans la famille des Flaviviridae, de « flavus »= jaune venant du virus de la fièvre jaune, qui a donné son nom à la famille. C’est un virus dont le génome est composé d’ARN. Avant qu’on ne le décrive (1988), il était appelé le virus non-A non-B, parce que les centres de transfusions, qui pouvaient détecter les virus A et B, étaient toujours responsables de transmissions de virus d’hépatites. Le HCV est l’un des premiers virus identifié par le suivi de son génome lorsque le virus a été injecté à un chimpanzé. Il se transmet essentiellement par les liquides sanguins. On sait par l’observation de couples « discordants » (un des deux seulement est infecté) que la voie sexuelle n’est pas un mode de transmission, à moins de lésions permettant l’échange de sang. Concernant les liquides sanguins, les groupes à risque sont donc sensiblement les mêmes que ceux pour HBV. L’infection par HCV, qui passe souvent inaperçue, conduit dans 70-80% des cas, sans différence d’âge, à une infection chronique qui va manifester des symptômes 20-30 ans plus tard. Durant tout le temps de la chronicité, où la personne ne sait pas forcément être infectée, la transmission du virus est possible. Après ce délai, l’infection conduit dans 10-30% des cas à une cirrhose et éventuellement un cancer du foie. Ainsi une partie des hépatites à HCV qui surgissent actuellement sont le résultat d’infections qui ont précédé l’identification du virus. Contrairement au HBV, HCV est bien détecté par l’organisme lors de l’infection. Il a pourtant évolué des méthodes efficaces, qui, d’une part, bloquent les réactions de défenses et, d’autre part, les rendent inopérantes par changements continuels de « carte d’identité ». Cette plasticité « identitaire » explique également pourquoi aucun vaccin efficace n’a pu être produit.
A l’heure actuelle, il existe des médicaments qui guérissent de l’infection, c’est-à-dire qui conduisent à l’élimination du virus de l’organisme (ce que ne peuvent pas faire les médicaments contre HBV). Ces médicaments sont appliqués pendant un temps court et sont bien tolérés. Ils ont pour l’instant le défaut majeur d’être très chers (plusieurs dizaines de milliers de francs), ce qui limite leur remboursement par la LAMAL, sauf étrangement, cirrhose du foie avancée ou symptômes adverses extra-hépatiques. Pourtant les choses avancent. L’OFSP dans une de ses annonce que dès le 1er juillet 2017, un médicament particulier sera remboursé par l’assurance maladie de base quel que soit le stade de développement de l’infection. L’OFSP estime (OFSP-hepatite-B-C-2017) entre 36’000 et 43’000 le nombre d’infections HCV chroniques en Suisse.
Le virus HAV appartient encore à une nouvelle famille, celle dite communément des Entérovirus, membre de la super famille des Picornaviridae, « pico », pour petit et « rna » pour ARN (en anglais RNA), qui décrit le type de génome. HAV possède donc, comme le HCV, un génome sous forme d’ARN. Il s’en distingue pourtant structurellement dans sa composition, puisqu’il ne comprend pas de membrane, mais est constitué d’une coque de 4 protéines. Cette coque est suffisamment solide pour résister à la digestion, ce qui lui permet d’infecter en entrant dans l’organisme par le tube digestif. Il n’est pas clair qu’il s’y multiplie avant d’atteindre le foie, siège principal de sa multiplication. On le retrouve pendant une courte période dans le sang, mais c’est en revenant dans l’intestin par le canal biliaire qu’il est évacué dans les selles pour terminer son cycle dans l’organisme. Pour la petite histoire, la structure de HAV est similaire à celle des Rhinovirus (aussi membres de la super famille des Picornaviridae), les virus du rhume (il y en a plus d’une centaine), qui eux se multiplient dans le tractus respiratoire supérieur là où la température corporelle est inférieure (33°C-34°C) à celle du tube digestif (37°C). On a ici un exemple de l’adaptation fine des virus à leur site d’infection. Pour les Entérovirus, il s’agit non seulement de résister à la digestion, mais d’avoir la capacité de se multiplier à une température de 37°C . HAV a donc une route d’infection dite féco-orale. Il entre dans l’organisme par la bouche et est évacué dans les selles. Il contamine alors les mains, les surfaces, les eaux usées et se retrouve dans l’eau de boisson contaminée, dans la nourriture souillée par de l’eau contaminée ou dans la vaisselle lavée avec cette eau. Comme il est retrouvé, pendant une courte période dans le sang, il peut être transmis par transfusion sanguine (très rare, car recherché chez les donneurs) ou plus fréquemment parmi les usagers de drogues injectables. Il est connu pour se transmettre chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH), vraisemblablement par des pratiques oro- ou digito-anales. Une publication de l’Office fédéral de la Santé Publique (Flambée_hepatitis-a-2017) fait état d’une recrudescence de cas qui pourrait concerner les HSH. L’infection par HAV, peut-être sans symptômes chez les enfants, elle devient en général plus grave avec l’âge qui avance. Elle ne conduit jamais à une infection chronique, comme le font HBV et HCV. Le virus est éliminé et la guérison s’accompagne d’une immunité. Dans les pays où le niveau d’hygiène permet la circulation permanente du virus, il n’y a pas d’épidémies car les enfants sont infectés très tôt, générant une population immunisée. En Suisse, le virus se manifeste par des mini-épidémies. Il est souvent importé par des voyageurs venant de pays s où le niveau d’hygiène est plus faible. Pourtant, dans une majorité des cas, on ne connaît pas le mode d’infection. En 2017, un flambée d’infection à HAV a été enregistrée en Suisse (cf. ci-dessus).
Il n’existe pas de médicament spécifique pour soigner une hépatite à HAV. En revanche un vaccin est à disposition en Europe depuis 1991. C’est un vaccin inactivé (cf. La vaccination), le virus est cultivé sur des cellules, purifié et traité au formaldéhyde. La protection qu’il génère est excellente, elle se monte à plus de 95% après une injection intramusculaire et à plus de 99% après une deuxième injection. La protection après deux injections est estimée durer pendant 25 ans. Aucun effet secondaire n’est décrit. Un document de l’Office fédéral de la Santé Publique (OFSP_Hepatitis-A-prevention-2006) datant de 2007 contient toutes les informations concernant la prévention conte HAV.
Modifié le 06 octobre 2020