La nature recèle d’histoires extraordinaires, tellement sophistiquées, qu’il est difficile de croire que l’humain ait pu les imaginer. Voyons plutôt. Il s’agit ici de pucerons, ces sales bêtes qui viennent à la fin du printemps envahir nos arbres ou arbustes préférés dont on attend qu’ils (les arbustes) vont faire la joie de nos regards émus. Que nenni. Les pucerons forment des amas noirâtres sous les feuilles qui se replient sur elles-mêmes dans des tortillons inélégants enlevant tout charme à la vision qu’on espérait reposante. En plus, cela donne une impression de saleté incompatible avec l’idée de pureté champêtre que le vert tendre du printemps devrait laisser entrevoir. Méditation impossible à l’abri d’un arbre purulent de pucerons.
Soyons francs, les pucerons se fichent complètement de l’atmosphère qu’ils créent avec le nombre sans cesse croissant de leur population. Pourtant, pourtant, ils commencent bientôt à lorgner sur l’arbre voisin encore vierge de toute invasion, car celui sur lequel ils ont proliféré sans retenue, commence à manquer de ressources. Mais l’arbre voisin pour un puceron, c’est pire que Mars pour l’humain. Il faut y aller. C’est à ce moment que l’extraordinaire se produit, il pousse des ailes à certains d’entre eux, qui en voltigeant avec grâce passent d’arbre en arbre, d’autant plus efficacement que leur nombre permet, sans conséquences graves, des erreurs de pilotage qui les feraient atterrir sur le nid de fourmis qui se régalent de leurs humeurs. Fin de l’histoire. Mais, vous dites-vous, qu’est-ce que cela vient-il faire dans un blog de virologie.
Ah ! Ah !, vous le devinez, c’est qu’il y a des virus là-dessous. Il est dit quelque part dans le blog, et s’il n’est pas dit, c’est une omission coupable, que tout organisme vivant possède ses virus. Les pucerons ne font pas exception. Les virus de pucerons se transmettent entre pucerons selon le principe vital des virus, la survie vient de la possibilité d’infecter toujours des pucerons non encore infectés. Les populations saturées de pucerons infectés représentent donc des culs de sac de survie dont les virus doivent sortir à tout prix pour continuer à exister. En cela les pucerons qui s’envolent vers l’arbre voisin pour y former de nouvelles colonies représentent la solution, à condition que les virus puissent atteindre l’arbre voisin. Alors quoi ? Il leur pousse des ailes, aux virus ? Pas vraiment. Mais force est d’admettre qu’emprunter un puceron volant résoudrait le problème. Donc le virus a évolué pour contenir dans son génome l’information qu’il faut pour induire chez le puceron la poussée des ailes, poussée qui se ferait avec moins d’efficacité dans un puceron non infecté. Et hop, le véhicule spatial est tout trouvé, le virus s’envole avec le puceron infecté.
Vu sous l’angle du virus, c’est parfait. Vu sous l’angle du puceron volant, c’est gênant de trainer avec soi une infection virale dont les effets collatéraux peuvent devenir délétères. Là, c’est le coup de génie. Le puceron intègre dans son génome la partie de l’information génétique virale nécessaire à induire la poussée des ailes. Le puceron voit maintenant ses ailes pousser sans être infecté. Cela lui donne un avantage sélectif certain, fondé sur l’emprunt d’une information génétique venant du virus.
Encore une valeur positive pour le virus, valeur qui aurait pu contenter « l’ingénieur croyant » qui ne pouvait admettre que le créateur ait pu générer un organisme sans valeur ajoutée. La capacité des pucerons de se répandre avec efficacité n’est pas valeur négligeable, et le créateur y aurait donc pensé (cf. Des virus au secours des guêpes)
Toute allusion à une autre espèce qui aurait saligoter sa planète jusqu’à la rendre inhabitable et qui attendrait un virus pour trouver une solution, n’est pas forcément adéquate, sauf si le créateur y aurait pensé à deux fois. A quand la poussée d’ailes cosmiques dans le dos des humains.