Emergence d’un virus. Saison III : « Trois exemples »

Trois exemples d’émergence virale sont présentés qui ont affecté la population humaine depuis quatre décennies, quoique de manière différente. Le VIH s’est répandu sur toute la planète avec les conséquences catastrophiques que l’on sait. Le SARS-CoV a pu être maîtrisé avec des techniques apparentées à celles appliquées au Moyen-Age face aux épidémies de peste noire, alliées, il est vrai, à des méthodes diagnostiques et des moyens de communication du XXIème siècle. Le H5N1, virus de la grippe aviaire, tourne autour de la population humaine depuis 20 ans sans pour autant avoir fait le saut d’espèce. Ces trois exemples ne sont bien sûrs pas exhaustifs. Pensons simplement aux virus Ebola et Zika qui ont défrayé la chronique en 2016. Mais il y en a d’autres qui ont eu moins d’impact sur la population humaine comme les virus Nipah, Hendra, Sin Nombre qui viennent rappeler que le monde animal est un réservoir inépuisable de virus qui peuvent trouver des conditions favorisant le saut d’espèce.

VIH (en anglais HIV): 1983

  • Les observations d’une série de cas de syndrome de l’immunodéficience acquise (SIDA, en anglais AIDS) aux Etats-Unis et en Europe ont été rapportées en 1981. En 1983, la description du virus associé à ce syndrome est faite par l’équipe du professeur Montagnier à Paris. Ce virus est finalement nommé le virus de l’immunodéficience humaine (VIH-1, en anglais HIV-1). En 1986 intervient la description d’un virus similaire, mais immunologiquement différent, présent en Afrique de l’ouest dénommé le VIH-2. Ces virus, notamment le VIH-1, se répandent en quelques années sur toute la planète. Lorsqu’elles ne sont pas traitées, les infections par le VIH conduisent au SIDA en moyenne dix ans après infection, puis à la mort provoquée par des agents infectieux dits opportunistes.
  • Selon l’OMS, dans le monde en 2015, 37 millions de personnes vivaient avec le VIH et 1.1 millions sont mortes de SIDA. En 2016, 18.2 millions seulement étaient sous traitement anti VIH . En Suisse, durant les 10 dernières années, il y a eu entre 550 et 750 déclarations annuelles de cas, soit une incidence fluctuant entre 6.5-10 cas pour 100’000 habitants ( cf. 21_15_bag_bulletin_hiv_sti_f-1) .
  • Les virus VIH-1 et VIH-2 sont originaires d’Afrique où on trouve dans la population de primates non humains des virus pas ou peu pathogènes. Le singe sooty mangabey est le réservoir naturel du SIVsm (Simian Imunnodeficiency Virus) qui a vraisemblablement été transmis à l’homme à au moins une reprise. SiVsm est très semblable au HIV-2. De plus le territoire du singe sooty mangabey en Afrique occidental correspond à celui où on trouve le VIH-2 dans la population humaine. Le VIH-1 a lui comme origine un virus de chimpanzés SIVcpz. SIVcpz aurait franchi la barrière d’espèce singe-homme à au moins trois reprises, créant trois lignées de ce virus chez l’homme. La première évidence de la présence de HIV-1 chez l’humain remonterait à 1931 et la première description de SIDA aurait été faite en 1959 à Manchester, UK.
  • La transmission de HIV se fait par le sang ou les produits sanguins contaminés, par les rapports sexuels, de la mère au fœtus ou de la mère à l’enfant à la naissance ou par le lait maternel.
  • Il n’y a toujours pas de vaccin anti-VIH. Fort heureusement, une batterie impressionnante de médicaments anti-viraux existent, qui, s’ils sont prescrits et pris adéquatement, permettent d’éviter la survenue du SIDA et donc la mortalité associée aux infections opportunistes.

 

SRAS-CoV  (en anglais SARS-CoV): 2003

  • La première description du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS, anglais severe acute respiratory syndrome) intervient en 2001 en Chine dans la province de Guangdong. En 2003, dans un hôtel de Hong-Kong un patient venant de cette province développe le syndrome le 21 février et décède un jour plus tard. De ce premier cas, d’autres résidents de l’hôtel, des membres de leur famille ainsi que du personnel soignant dans les hôpitaux dans lesquels ces patients sont pris en charge sont infectés. Le syndrome se répand rapidement au gré des destinations des personnes infectées. Le 26 mars, un total de 1’323 cas d’infections suspectées ou probables est rapporté par l’OMS dans 14 pays différents. Le 31 juillet de la même année, le nombre avéré de cas s’élève à 8096 dans 29 pays différents, avec un taux de mortalité est de 7.6% (cf. rapport de l’OMS).
  • L’agent causant le syndrome est identifié au mois de mai 2003 comme étant un nouveau coronavirus (dénommé dès lors le SARS-CoV). Des tests diagnostiques sont rapidement mis en place, et grâce à une politique très stricte de diagnostic, de protection du personnel soignant, de suivi des personnes potentiellement infectées, de prise en charge des personnes atteintes et de leur contacts (quarantaine) la propagation du virus est enrayée.
  • La transmission se fait par gouttelettes ou aérosols, par contacts étroits et par les surfaces contaminées par des sécrétions de l’individu infecté.
  • Si la civette (petit mammifère appelé également chat musqué) a été désignée comme la source du virus, cet animal n’a vraisemblablement été qu’un hôte intermédiaire sur les marchés du Guangdong. Le réservoir naturel est en fait une espèce de chauve-souris. A ce jour, il n’y a pas de vaccin et pas de médicament anti-viral spécifique.

NB : Depuis 2012, un nouveau coronavirus le MERS-CoV (Middle East Respiratory Syndrome-corona virus) a émergé au Moyen Orient où il provoque une mortalité dans environ 36 % des cas. Il se transmet difficilement d’homme à homme, ceci par contacts très étroits comme ceux du personnel soignant et d’un malade. Sa transmission à l’homme par l’animal n’est pas encore complètement élucidée, mais la présence avérée d’un virus identique chez les chameaux pourrait faire de cet animal la source de l’infection humaine. De nouveau, le réservoir naturel du virus serait une espèce de chauve-souris.

NBB :

Au 31 décembre 2019, le bureau chinois de l’Organisation Mondiale de la Santé a été informé de cas de pneumonies liées à un agent infectieux inconnu dans la ville Wuhan, province de Hubei. Le ministère chinois de la santé a déposé sur la banque de données du NIH (National Institue of Health, Institut national de la santé, USA) la séquence complète du nouvel agent infectieux. Il s’agit d’un nouveau virus Corona appelé le « 2019-nCoV ». Au 20 janvier, le CDC (Center for Disease Control, USA) rapporte plus de 200 cas chinois, avec 3 décès. Des cas ont été décrits depuis en Thaïlande, au Japon et en Corée du Sud, visiblement exportés de Wuhan. Le CDC a mis au point un test génétique pour identifier ce 2019-nCoV. Si pour l’instant ce test est fait au CDC (Atlanta, USA), il est prévu d’être rapidement largement distribué. Plusieurs patients de Wuhan ont été en liens avec un grand marché de fruits de mer et autres animaux, ce qui laisse penser que la source d’infection pourrait être animale. Depuis, un nombre croissant de patients n’ont pas eu de lien avec ce marché, suggérant qu’il y a transmission d’humain à humain. Cette situation est en évolution rapide.

H5N1 : 1997

  • En 1997, sur les marchés ouverts de Hong-Kong les poulets sont décimés par un virus de la grippe aviaire hautement pathogène caractérisé comme le virus H5N1, originaire de Chine. Très rapidement 18 cas d’infections humaines sont répertoriés avec 6 décès. Les marchés sont immédiatement fermés et 1.5 millions de poulets et autres volailles (le virus serait transmis aux poulets par des oies résistantes à l’infection) sont sacrifiés pour enrayer l’épidémie. Le virus contenu à Hong-Kong réapparaît dans les années qui suivent à intervalles réguliers, se répandant en Asie (Thaïlande, Vietnam, Indonésie) et faisant son chemin vers le Moyen Orient, l’Europe et l’Afrique du Nord (Egypte) où il est retrouvé dans des oiseaux sauvages et des volailles d’élevage. Ces réapparitions vont de pair avec des infections humaines sporadiques. Malgré une évolution génétique sidérante, le virus garde son identité initiale de H5N1 et ses propriétés de virus aviaires incapables de faire une transmission inter-humaine.
  • En 2012 seulement, 35 cas d’infection humaine ont été documentés, avec 20 décès. Depuis 2003, il est responsable de 630 cas recensés de contamination humaine avec 375 décès (>50% de mortalité). Ces chiffres se réfèrent à des cas d’hospitalisation confirmés par diagnostic de laboratoire. Par ailleurs, une étude a conclu que seulement 1-2% de la population en contact avec des personnes ou des animaux infectés est séro-positive, démontrant que des infections asymptomatiques ou de gravité ne nécessitant pas d’hospitalisation sont rares.
  • La transmission à l’homme se fait essentiellement par contacts directs avec les fientes et par ingestion d’aliments ou d’eau contaminés. La grippe aviaire a en effet chez l’oiseau une voie d’infection différente de celle chez l’homme avec une prédilection pour le tractus gastro-intestinal.
  • Pour l’instant aucun vaccin n’est disponible contre H5N1. En ce qui concerne des médicaments anti-viraux, des études suggèrent que des mutations conférant la résistance à l’oseltamivir (médicament anti-virus de la grippe) se retrouvent dans la quasi-espèce virale, sans qu’il y ait eu exposition au médicament.

NB. L’actualité fait mention d’un virus H5N8 hautement pathogène pour les volailles d’élevages dont la circulation en Europe est sous haute surveillance avec, notamment, des mesures d’abattage d’élevage en France.

Modifié le 27 juillet 2017, puis janvier 2019.