Le virus Zika et les microcéphalies, pas si simple…

Le virus Zika appartient à la grande famille des Flaviviridae, dans laquelle on trouve, entre autres, des virus plus connus comme les virus de la fièvre jaune (qui a donné son nom à la famille : flavus en latin signifiant jaune), de la dengue, du Nil occidental…..Ces virus sont transmis à l’homme (et à certains hôtes animaux) par piqûre de moustiques. Ils peuvent se transmettre également entre humains lors de rapports sexuels, c’est le cas du virus Zika. Ils affichent ainsi, la remarquable propriété de pouvoir se multiplier efficacement dans des espèces d’hôtes aussi différentes que des moustiques et des mammifères supérieurs. Le virus Zika est mentionné pour la première fois en 1947 en Afrique orientale. Il a fait des épidémies récentes en Polynésie française (2013) et Nouvelle Calédonie (2014) (cf. ViralZone). En 2015, il émerge en Amérique du Sud (Brésil) et depuis il s’étend vers le nord, colonisant l’Amérique centrale et le Mexique et peut-être bientôt les Etats-Unis (cf. Les virus émergents).
Depuis l’émergence du virus Zika sur le nouveau continent (il serait intéressant de se demander pourquoi pas précédemment), se pose la question de déterminer s’il est responsable de la flambée de microcéphalies rapportée au Brésil. La réponse à cette question fondamentale n’est pas simple. En 1890, Robert Koch, un microbiologiste allemand, formalise les quatre postulats qui permettent de d’établir un lien de causalité entre un agent pathogène et la maladie qu’il provoque : i) l’agent pathogène doit être retrouvé dans chaque individu atteint, ii) il doit pouvoir être isolé dans chaque cas, iii) lorsque inoculé aux individus de la même espèce, il doit causer la même maladie et enfin iv) il doit pouvoir être retrouvé dans ces individus infectés expérimentalement.
Ces postulats ne sont pas tous facilement applicables, notamment le troisième qui voudrait, en l’occurrence, que l’on infecte des femmes enceintes avec le virus Zika (que l’on peut isoler et cultiver en laboratoire) pour confirmer s’il provoque bien à une fréquence significative la microcéphalie. On est ainsi limité à l’observation, en attendant que l’on trouve un modèle animal qui permettrait de faire l’expérience impossible chez les femmes enceintes, et là encore se poserait la question de l’adéquation du modèle animal pour la maladie humaine.
L’observation doit se méfier de plusieurs pièges qui peuvent biaiser les conclusions qu’on en tire. Le premier concerne la réalité de la flambée de microcéphalies. Il faut s’assurer que cette flambée ne résulte pas de l’intérêt que l’on porte soudainement à cette maladie, associée pour la première fois au virus Zika, une association qui ne pouvait pas être observée avant son émergence. En regard du nombre de microcéphalies diagnostiquées depuis l’émergence de Zika, il faudrait pouvoir comptabiliser les microcéphalies dénombrées avant cette émergence. Exercice périlleux, car l’intérêt d’un tel dénombrement n’était pas forcément présent. La flambée ne pourrait ainsi découler que d’une déclaration plus systématique de la maladie. L’association de la maladie avec la présence de l’agent pathogène soulève également quelques questions difficiles à résoudre. La microcéphalie (développement limité du cerveau) résulterait de la transmission transplacentaire du virus suite à l’infection de la femme enceinte, qui, elle, ne développe pas forcément des symptômes suite à cette infection. S’il est relativement aisé après coup de savoir si la femme enceinte a rencontré le virus (si oui, elle possède des anticorps anti-virus  Zika), il est plus délicat de déterminer si le moment de cette rencontre est compatible avec la transmission au fœtus. De la même façon, la détection d’anticorps anti-virus Zika chez le nouveau-né n’est pas diagnostique de l’infection, dans la mesure où il est bien connu que les anticorps maternels passent toujours la barrière transplacentaire. Ils viennent naturellement protéger le nouveau-né durant les premiers mois de sa vie, en attendant que ses propres systèmes de défense se mettent en place définitivement. On n’attend d’ailleurs pas dans cette situation que le fœtus développe ses propres anticorps, dans la mesure où, s’il est infecté à l’âge fœtal, il va reconnaître le virus comme faisant partie de son soi et ne pas réagir en produisant des anticorps anti-virus Zika. La démonstration la plus probante de l’infection fœtale devient la mise en évidence du virus chez le nouveau-né, ou chez le fœtus présentant les signes de microcéphalie après avortement ou arrêt de grossesse spontané. Ces observations sont possibles si les moyens diagnostiques sont mis à disposition. Elles doivent être faites à grande échelle pour éviter le rapport de cas anecdotiques toujours possibles. La récolte de ces données prend du temps, des moyens et un système de santé publique bien organisé. Naturellement, la disposition d’un modèle expérimental animal dans lequel la capacité du virus transmis par la femelle au fœtus produirait les mêmes effets viendrait conforter les conclusions tirées des données épidémiologiques. On comprend que la coïncidence entre une flambée de microcéphalies (si elle est avérée) en relation avec l’épidémie du virus Zika ne suffit pas à établir le lien de cause à effet. Un suivi épidémiologique doit être entrepris qui prend du temps et des moyens. Avant l’obtention de résultats provenant de ces études, il reste toujours possible qu’un élément causal autre se soit manifesté dans le même temps.

En date du 11 mars, le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis conclut dans son rapport hebdomadaire que s’il y a certes des évidences qui soutiennent l’implication du virus Zika, il y a néanmoins un besoin urgent de recherche supplémentaire pour le confirmer ( » an urgent need for additional research to confirm the link between Zika virus infection and microcephaly »).

En date du 13 avril, une équipe de ce même CDC conclut, sur la base de plusieurs critères épidémiologiques et autres critères de concordance (comme par exemple celle entre un effet rare et un événement causal qui l’est tout autant), qu’une exposition prénatale au virus Zika peut être tenu responsable des microcéphalies et autres anomalies cérébrales sévères.