La rougeole: faits et méfaits

La rougeole est la maladie provoquée par l’infection du virus du même nom. Le virus de la rougeole appartient à la super famille des Mononegavirales, dans laquelle on trouve d’autres virus connus, classés dans des familles différentes, comme les virus des oreillons et de la rage, le virus dit respiratoire syncytial, responsable du faux croup chez les enfants en bas-âge,  et le virus Ebola….. Le virus de la rougeole ne circule naturellement que dans l’espèce humaine où il a vraisemblablement émergé du monde animal (canidés) il y a plus de 10’000-15’000 ans de cela, à un moment où le chasseur-cueilleur s’est sédentarisé pour établir des communautés plus denses propices à sa circulation. Le virus de la rougeole est parmi les plus infectieux. Il se transmet par gouttelettes et aérosols avec pour cible d’entrée les voies respiratoires supérieures.  Avant la disponibilité d’un vaccin (fin des années 1960), la majorité des enfants âgés de 6 mois et plus et vivant dans une communauté élargie non isolée (île)  « faisait la rougeole ».

Après infection, une période de latence de 10-14 jours précède l’apparition des premiers symptômes (forte fièvre, nez qui coule, toux et conjonctivite). Ces symptômes sont suivis d’une éruption caractéristique généralisée qui dure 4-5 jours et qui marque la mise en place des réponses de défenses qui,  sans complications majeures, résolvent la maladie,  en trois semaines. L’infection établit une immunité qui dure la vie entière.  L’individu infecté est le plus contagieux 4 à 5 jours avant l’apparition de l’éruption et durant son maintien.

Ainsi décrite la rougeole pourrait passer pour une maladie infantile banale. Il n’en est rien, car les complications, immédiates, à moyen et à long terme,  peuvent être redoutables.

  • D’abord la maladie aigüe peut être plus ou moins sévère avec comme complications les plus graves, des cécités, des encéphalites (cf. ci-dessous), des diarrhées sévères,  des otites et des infections respiratoires graves comme la pneumonie nécessitant une hospitalisation.
  • Au cours de la rougeole aigüe et ceci à une fréquence de 1 cas sur  1000 rougeoles (1/1000),  le virus peut provoquer une encéphalite aux conséquences gravissimes. Trente pour cent des ces encéphalites sont mortelles et les survivants vont presque tous garder des séquelles neurologiques. Pour un pays comme la Suisse, où on compte environ 80’000 naissances par année, cela signifierait 80 encéphalites aigües par année dont le tiers serait mortel.
  • Lorsque la rougeole a lieu en très bas âge et qu’elle est particulièrement violente,  un autre type d’encéphalite, dite panencéphalite sclérosante subaigüe (PESS), peut se développer, à une fréquence de  2-16/10’000 (5-9/100’000 chez l’adulte). Cette panencéphalite, qui survient en moyenne 7 ans après la rougeole aigüe, est mortelle à 100%.  Dans ces deux cas d’encéphalite, comme pour les rougeoles aigües avec ou sans complications d’ailleurs, il n’existe à ce jour aucun médicament à disposition pour enrayer la multiplication du virus. On soigne les symptômes et on traite les sur-infections bactériennes ou parasitaires.
  • Une dernière caractéristique de la rougeole intervient pour faire de cette maladie un fléau, particulièrement dans les pays où le système de santé est peu développé ou défaillant. Il s’agit d’une immunosuppression qui s’installe pour plusieurs semaines après la résolution de la maladie. Durant cette période l’enfant, privé partiellement de ses réponses de défense immune,  devient beaucoup plus susceptible de développer des maladies infectieuses qui sont normalement maîtrisées. On parle surtout de tuberculose, de malaria et d’infections du système digestif qui sont responsables de l’importante morbidité et mortalité associées à la rougeole. Selon l’OMS « , on a recensé, en 2014, 114’900 décès par rougeole dans le monde, soit près de 314 décès par jour ou 13 par heure ».

Il faut noter que les statistiques rapportées ci-dessus concernent les pays dits développés. Dans les pays où la malnutrition sévit, avec en particulier une carence en vitamine A, le taux de mortalité associée à la rougeole « est habituellement de 3% à 6%, mais peut atteindre jusqu’à 30%, notamment parmi les populations déplacées ou isolées, immunologiquement naïves ».*

Si aucun traitement antiviral efficace est à disposition, un vaccin existe depuis plus de 50 ans. Ce vaccin atténué (cf. La Vaccination), appliqué à deux reprises,  offre une protection contre l’infection à près de 100%. Des campagnes de vaccinations à large échelle ont diminué drastiquement les effets désastreux de la rougeole dans le monde, allant jusqu’à éliminer la circulation du virus (Amérique du Sud) . On estime qu’entre 2000 et 2014, la « vaccination antirougeoleuse a évité 17,1 millions de décès » (cf. OMS). Toujours selon l’OMS,  « 85% des enfants dans le monde –contre 73% en 2000– ont reçu (en 2014) une dose de vaccin avant l’âge de un an ». Comme le virus ne se propage que chez l’homme, on peut prétendre éradiquer ce virus, grâce à la vaccination. Comme le virus est très infectieux, on calcule qu’il faudrait que la vaccination (deux doses) soit appliquée à plus de 95% des nouveaux-nés  pour abolir la circulation du virus sur la planète.

En Suisse, alors que le taux de vaccination a été important (>90%)  à la fin du siècle passé rendant la rougeole anecdotique, un net relâchement s’est progressivement installé qui a abouti à un taux de vaccination insuffisant (>70% pour certains cantons). L’accumulation d’une population de personnes susceptibles a causé l’apparition d’épidémies sévères en 2007, 2008 et 2009 (cf. Document de l’OFSP). Malgré l’effort de vaccination qui a suivi, il n’y a que le canton de Genève qui a atteint le seuil critique de 95% de vaccinés ( cf. OFSP, Point de la situation), conditions nécessaire à l’élimination de la circulation du virus. Ainsi, en Suisse, il y a encore suffisamment de personnes susceptibles pour que le virus puisse circuler ou pour qu’une importation de virus puisse provoquer des mini-épidémies. « Les voyages à l’étranger, en particulier vers l’Asie et l’Afrique, constituent une importante source d’infection et d’importation de la rougeole vers la Suisse. …. L’inverse est aussi vrai : les voyageurs suisses ne devraient pas constituer un risque d’exportation de la rougeole vers les régions où elle est rare ou a été éliminée, comme les Amériques. » ( cf. OFSP, Point de la situation).

Pour la petite histoire, voir La science a tué les dieux…

*OMS, Relevé épidémiologique hebdomadaire, 28 avril 2017, No 17, 92, 205-228.

Mis à jour 27.02.2020